Miguel GARRE, avocat au Barreaux de Paris, Malaga et Grenade.
Publié au numéro 100 de la revue Lamy Immatérielle.
Après avoir analysé le cadre juridique de la captation de l’image à la lumière des dernières réformes intervenues, l’auteur envisage les difficultés liées à l’acte électronique en soi et celles soulevées par la recherche d’un équilibre entre l’obligation publique de capter l’image et le son des audiences, d’une part, et le droit à la vie privée et à la protection des données personnelles, d’autre part.
Depuis janvier 2000(1), l’enregistrement de l’image et du son pour les actes essentiels de la procédure civile en Espagne est obligatoire. Ce processus s’est étendu en 2009(2) aux procédures judiciaires pénales et sociales et aux procédures administratives.
Au plan international, nous citerons les exemples de la Cour pénale internationale ou de la Cour européenne des droits de l’Homme qui diffusent en différé leurs séances(3).
En France, la loi n° 85-699 du 11 juillet 1985 « tendant à la constitution d’archives audiovisuelles de la justice »(4), a autorisé pour la première fois l’enregistrement audiovisuel ou sonore de certaines audiences publiques pour la constitution des archives historiques de la justice(5). Cette loi constitue une exception à l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 « sur la liberté de la presse »(6), qui interdit de filmer une audience afin de sauvegarder la sérénité des débats. Mais la portée de la loi « Badinter » est restée très limitée, de même que celle des autres textes permettant l’enregistrement des actes judiciaires(7).
Alors que le projet de la Cité de la justice à Paris prend forme et soulève de nombreuses questions autour de l’utilisation des nouvelles technologies d’enregistrement de l’image et du son des audiences et actes de procédure, nous présenterons ici l’expérience espagnole en la matière et les difficultés survenues pendant cette dernière décennie, tout d’abord par l’étude du cadre juridique espagnol et ensuite par l’analyse des problèmes posés.
I. – CADRE JURIDIQUE DE LA CAPTATION DE L’IMAGE ET DU SON DANS LES TRIBUNAUX ESPAGNOLS
A. – Les réformes de 2000 et de 2009
L’article 147 de la loi de procédure civile espagnole (ci-après LEC) prévoit que : « Les procédures orales (...) [devant les Tribunaux] seront enregistrées sur un support qui permette la reproduction de l’image et du son. » Ainsi sont enregistrées toute audience ou toute procédure orale(8) devant les tribunaux civils, pénaux, administratifs, de sécurité sociale ou conseils de prud’hommes, les procédures civiles de reconnaissance judiciaire(9) et les dépositions des parties, ainsi que, en matière sociale, les incidents d’exécution d’une décision judiciaire(10).
1°/ Hiérarchie des supports de documentation des audiences
L’Espagne est passée sans transition du « plumitif » à l’acte électronique il y a 13 ans ; la « feuille d’audience » du greffier ne disparaît pas mais, en cas de conflit entre l’acte papier et l’acte électronique, c’est ce dernier qui prévaudra. Aujourd’hui, l’acte électronique est un support qui contient la captation du son et de l’image de l’audience.
La hiérarchie des supports aux fins de preuve de l’audience est la suivante :
– l’enregistrement de l’image et du son ;
– l’enregistrement du son uniquement ;
– la traditionnelle « feuille d’audience », manuscrite et détaillée, du greffier(11).
La loi n° 13/2009 du 3 novembre 2009, portant réforme des procédures et destinée à l’implantation de la nouvelle organisation judiciaire, a consolidé le système électronique d’enregistrement certifié : la présence du greffier n’est même pas obligatoire dans la salle d’audience car la technologie permet qu’il puisse suivre le déroulement des séances à distance depuis son ordinateur(12). À la fin de l’audience, le greffier signe électroniquement le support et délivre une copie aux parties qui en effectuent la demande.
2°/ Périmètre de la captation
L’audience est ouverte au moment où le magistrat qui préside dit de vive voix « audience publique » ; à ce moment, toute personne peut accéder à la salle d’audience (par « toute personne », on entend
notamment un journaliste avec sa caméra)(13), sauf restrictions exceptionnelles et motivées(14), comme dans le cas de procédures à huis clos. La captation du son et de l’image est alors déclenchée.
Les actes de procédure antérieurs à l’audience publique, dont l’enregistrement n’est pas prévu par la loi, ne font pas l’objet d’un enregistrement, y compris les éventuelles négociations sur la qualification des faits et la peine applicable, menées entre l’avocat du prévenu et le procureur, dans la salle d’audience, avant l’ouverture de la séance(15).
3°/ Importance de la captation en première instance
Il convient de souligner l’importance de l’enregistrement de la preuve devant les tribunaux de première instance en Espagne, qui est dotée d’un système d’appel restreint, contrairement à la France ou à l’Italie(16). Les audiences ne sont pas, en effet, généralisées en appel : d’une part, dans certains cas, la constitution d’un dépôt de garantie est obligatoire pour interjeter appel, ce qui peut représenter un obstacle à l’accès à l’appel pour le justiciable, d’autre part, les parties peuvent renoncer à l’audience, et enfin les magistrats peuvent considérer qu’une audience n’est pas nécessaire pour trancher l’appel formulé. Mais, surtout, le système de preuve en appel est très restreint, que la preuve n’ait pas été admise en première instance ou que l’élément de preuve soit nouveau. Cela est une conséquence du principe de l’inaltérabilité de l’objet du procès : toutes les preuves présentées par les parties sont annoncées ou accompagnent l’assignation, les conclusions adverses et, le cas échéant, la demande reconventionnelle et sa réplique.
D’autres preuves ne seront admises que de façon exceptionnelle en dehors de ces étapes. Dans la mesure où en appel ne seront admises de nouvelles preuves qu’exceptionnellement, la captation de l’audience de première instance présente un enjeu majeur.
Ainsi, le Tribunal d’appel pourra évaluer, « en différé », la totalité des preuves apportées, qui apparaîtront dans la captation vidéo de l’audience de première instance(17).
La captation vidéo constitue un formidable outil pour les acteurs judiciaires en permettant l’analyse du langage non verbal et, plus précisément, celle des gestes et des silences des témoins et parties, impossibles à interpréter à la simple lecture de la feuille d’audience manuscrite du greffier.
4°/ Conséquences immédiates de l’introduction de l’acte électronique en Espagne
Trois principales conséquences méritent d’être soulignées :
– a) la réduction de la taille des dossiers judiciaires, car une grande partie de la procédure est désormais dématérialisée ;
– b) Le changement radical du mode de travail des magistrats, qui aujourd’hui passent de nombreuses heures devant leur ordinateur à visionner les vidéos d’audiences au lieu de lire les actes et pièces sur support papier ;
– c) La drastique réduction du nombre d’appels. En effet, parmi les causes principales d’appel des décisions de premier degré, figuraient la non-inclusion dans la feuille d’audience du greffier de certains faits ou l’interprétation que le magistrat pouvait faire dans sa décision de certains passages des feuilles d’audience manuscrites qui, en général, n’étaient pas très détaillées. Aujourd’hui, l’acte électronique contient tout ce qui a été vu et entendu lors de l’audience, ce qui permet d’éviter de nombreux recours.
B. – Fondements constitutionnels du devoir public d’enregistrement du son et de l’image des actes essentiels de procédure.
La captation vidéo représente une garantie de transparence de la justice pour le justiciable et un instrument de contrôle social de l’activité juridictionnelle(18), élément essentiel de la confiance des citoyens dans les tribunaux comme piliers de l’État de droit, dans l’impartialité des juges et leur indépendance.
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La captation vidéo représente une garantie de transparence de la justice pour le justiciable et un instrument de contrôle social de l’activité juridictionnelle.
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Les principes essentiels de la procédure en Espagne se trouvent renforcés par la captation des audiences
1°/ Principe de publicité
Prévu aux articles 120.1 et 24.2 de la Constitution(20), le principe de publicité fonde le devoir d’information sur l’application du droit par les tribunaux et constitue un pilier de la confiance dans le système public judiciaire comme voie de résolution des conflits. L’arrêt du Tribunal constitutionnel espagnol du 13 juin 1998 rappelle que, si les conditions matérielles le permettent, tout citoyen peut assister au déroulement des audiences hors huis clos(21). Entre les parties, le principe de publicité renvoie au principe du contradictoire, qui jouit d’une protection ad hoc.
Le régime d’accès aux documents judiciaires prend deux formes.
Pour les parties, l’accès est actif et se traduit par la possibilité de solliciter une copie du dossier(22). Les personnes qui peuvent justifier d’un intérêt légitime(23) jouissent d’un accès passif : accès aux livres, archives, registres judiciaires, y compris la possibilité d’obtenir des copies et attestations des pièces « écrites » d’un dossier judiciaire(24).
Le régime d’accès au support contenant la copie de la vidéo est plus restrictif que celui appliqué aux éléments écrits de la procédure : seules les parties ont accès aux copies vidéo. Ainsi, les citoyens protégés par le principe de publicité de la justice garanti constitutionnellement n’ont qu’un accès limité aux captations vidéo d’audiences. En résumé, l’assistance à une audience est ouverte à tout public, l’accès aux documents judiciaires sur support papier est ouvert à ceux qui justifient d’un intérêt légitime, mais la copie de la captation vidéo d’une audience, qui vaut acte d’audience, n’est accessible qu’aux parties(25).
Le magistrat Carlos Gómez Martínez estime qu’« il n’y a pas de raison technique ou de principe juridique justifiant qu’on refuse au destinataire légal de la publicité (tout citoyen), la copie de l’enregistrement d’une audience ».
Selon ce magistrat, en vertu du principe constitutionnel de publicité et malgré la rédaction de l’article 187, deuxième alinéa, de la loi de procédure civile espagnole, les tribunaux pourraient et même devraient, à la demande de tout tiers et sans qu’il doive même justifier d’un intérêt légitime, remettre une copie de la captation vidéo d’une audience.
2°/ Principe d’oralité
Le principe d’oralité se manifeste par la priorité donnée à la parole sur l’écrit. Les nouvelles technologies permettent d’exploiter le langage non verbal (silences, fermeté de réponses, degré de conviction des témoins et parties déduit du ton de la voix, des gestes…). L’objectif fixé par les lois de 2000 et de 2009 est de capter tout ce que le juge de première instance aurait pu voir ou entendre. La vidéo permet de vérifier « l’intime conviction du juge », et elle s’avère un instrument très efficace pour démasquer les erreurs d’interprétation qui pourraient vicier des décisions judiciaires(26).
Enfin, l’introduction de la captation vidéo a permis de remplacer, dans de nombreux cas, l’écrit par la parole, ce qui a fait gagner en spontanéité.
3°/ Principe d’immédiateté(27)
La procédure sera de préférence orale, particulièrement en matière pénale(28). Or, suivant l’arrêt de la Cour constitutionnelle n 64/1993, l’oralité n’est possible que dans l’« immédiateté ». L’immédiateté consiste en la présence du juge à l’audience, en particulier à l’occasion de la délivrance de la preuve. L’oralité des débats est un principe constitutionnel, l’immédiateté est son corolaire, mais n’est pas prévue par la Constitution.
Par la voie de l’entraide judiciaire(29), il est possible que l’audience se tienne à distance par vidéoconférence, permettant par exemple aux avocats des parties de se trouver physiquement à Paris et Londres, au juge à Barcelone et aux parties et leurs interprètes dans les tribunaux de leurs domiciles respectifs. Les lois de 2000 et de 2009 exigent désormais des garanties de sécurité et la mise à disposition de mesures techniques pour vérifier l’identité des intervenants et pour assurer le succès de l’acte réalisé à distance, prévoyant de plus (article 162 LEC) que le Tribunal pourra intégrer de nouveaux moyens technologiques au fur et à mesure de leur création(30).
4°/ Principe de concentration de la preuve
La preuve doit être réunie et présentée lors de la même audience, sauf cas de figure exceptionnel(31).
Sur le même support, on pourra donc visualiser la qualification d’irrecevabilité de certaines preuves (car obtenues frauduleusement ou par un procédé déloyal, ou parce que le magistrat aurait considéré que cette preuve n’apportait rien à la résolution de l’affaire), ainsi que les éléments d’admissibilité, c’est-à-dire les débats sur les preuves littérales, soit authentiques soit sous seing privé, les commencements de preuve, les témoignages, les argumentations sur les présomptions, l’aveu ou le serment, mais aussi les ratifications et les éclaircissements apportés aux rapports d’experts.
5°/ Principe d’accès à l’« information véridique »
Intimement lié au principe de publicité de la procédure (article 120.1 LEC) et au droit à une procédure publique (article 24.2 LEC), la Constitution protège le droit à l’information dite « véridique » (article 20.1.d LEC), ou le devoir de l’État de faire participer les citoyens à la conduite des affaires publiques (article 9.2 LEC) y compris celles concernant l’administration de la justice.
Le débat se concentre aujourd’hui sur le contenu de ce droit à l’information, qui ne peut être garanti que par le respect du principe de publicité de la procédure.
6°/ Confrontation de l’introduction de moyens audiovisuels privés dans les salles d’audience aux droits constitutionnels
La question de l’introduction dans les salles d’audience de moyens « privés » de captation du son et de l’image, s’ajoutant aux moyens « publics » dont toute salle d’audience est dotée aujourd’hui, a fait l’objet d’une profonde bataille judiciaire(32) qui a opposé pendant des années les plus hautes juridictions espagnoles.
a) Entre 1986 e 1992, trois arrêts de la Cour constitutionnelle(33) ont fixé le cadre de l’accès aux salles d’audience, et du principe de publicité dans les limites posées par la loi.
b) En 1995, une instruction de la « Cour suprême » espagnole(34) interdit l’accès aux salles d’audience à toute personne munie d’un appareil photo ou d’une caméra vidéo ou de télévision, sauf pour certaines affaires gouvernementales solennelles, décision qui sera confirmée partiellement par le Conseil général du pouvoir judiciaire(35) quelques mois plus tard.
c) En 1999, la troisième chambre de la Cour suprême(36) a tranché les deux recours formulés contre ces décisions de 1995 et confirmé les restrictions au droit d’accès aux audiences : l’enregistrement du son est possible, mais les clichés ou la vidéo ne peuvent intervenir que sous réserve d’une autorisation spéciale.
d) Enfin, en 2004, le Tribunal constitutionnel(37) a finalement inversé la position de la Cour suprême en rétablissant le principe de libre accès du public aux audiences et l’utilisation de tout moyen permettant l’enregistrement de l’image et du son, principe général qui ne peut être restreint qu’à titre exceptionnel et dûment justifié(38).
e) Le Conseil général du pouvoir judiciaire, par le biais de sa Commission de communication, s’est alors vu contraint de publier le protocole de communication de la justice(39).
La tentation d’empêcher les journalistes d’investiguer dans les « affaires judiciaires » est toujours d’actualité, et les rumeurs se multiplient ces derniers mois autour d’une loi(40) qui réglementerait l’accès des « moyens audiovisuels » aux salles d’audience, loi qui risquerait d’être entachée d’inconstitutionnalité si elle ne respectait pas le principe de la publicité des procédures judiciaires(41), « rétabli » par l’arrêt n° 57/2004 du 19 avril 2004 du Tribunal constitutionnel.
II. – DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LA CAPTATION
VIDÉO DES AUDIENCES
Deux catégories de difficultés soulevées par la captation vidéo des audiences en Espagne seront abordées dans cette seconde partie de la présente étude : celles liées à l’acte électronique en soi, et celles, plus complexes, liées à la recherche d’équilibre entre l’obligation publique de capter l’image et le son des audiences, d’une part, et le droit à la vie privée et à la protection des données personnelles, notamment le droit à l’oubli, d’autre part.
A. – Difficultés soulevées par l’acte électronique
L’acte électronique est susceptible de présenter certains « défauts », qui pourront être liés à l’enregistrement en tant que tel, ou à la récupération du support de cet enregistrement.
1°/ Erreurs substantielles intrinsèques à la vidéo qui empêchent la reproduction du son ou de l’image.
Deux scénarios sont envisageables si le système d’enregistrement, dont toute salle d’audience est équipée aujourd’hui, ne remplit pas ses fonctions.
a) Des difficultés techniques préalables à l’audience empêchent le déclenchement de l’enregistrement (coupure d’électricité dans la salle d’audience, magnétophone en panne, etc.). C’est le cas de figure visé par l’article 146.2 de la LEC ; le greffier prévient les parties que seule sa feuille d’audience détaillée retranscrira le déroulement de l’audience et les éléments de preuve apportés. Dans ce cas les avocats des parties doivent disposer du temps suffisant pour demander les ajouts ou les rectifications nécessaires dans la feuille d’audience avant d’y apposer leur signature.
b) Il peut également arriver que tout ait été mis en place pour enregistrer le son et l’image, le greffier n’ayant pas rédigé de feuille d’audience détaillée, mais pris quelques notes succinctes en suivant l’audience sur écran depuis son bureau, a posteriori ; le résultat n’est pas celui attendu : l’enregistrement comporte de graves erreurs qui empêchent la reproduction de l’image et/ou du son.
La 7e section de la Cour d’appel des Asturies dans un arrêt rendu le 9 mai 2006, de même que la 3e section de la Cour d’appel de Jaén, dans un arrêt du 31 octobre 2007(42), ont décidé la nullité de l’audience dès lors que ne pouvaient être reproduits ni l’image ni le son de l’acte électronique, solution déjà avancée par une partie de la doctrine(43), car il n’existait pas de moyen permettant de récupérer et reproduire le contenu de l’acte.
2°/ La reconstruction du dossier
Selon le professeur Federic Adán Doménech(44), il faut différencier l’absence d’enregistrement et les erreurs d’enregistrement qui empêcheraient la reproduction du son ou de l’image. Dans ce dernier cas, les règles de reconstruction des dossiers seraient applicables, par lesquelles en cas de perte de l’acte original du greffe (virus informatique, erreur de manipulation, etc.), on peut « reconstituer » les pièces du dossier à partir des copies des pièces en possession des parties.
3°/ Nullité et importance des défauts de la captation de l’audience
La nullité ne sera prononcée que si l’importance des défauts de l’acte le justifie.
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La nullité ne sera prononcée que si l’importance des défauts de l’acte le justifie.
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Une mauvaise qualité de l’image, si elle est compensée par une excellente qualité du son, n’empêche pas l’acte électronique de remplir ses fonctions (article 187 LEC) ; un vice mineur, comme l’absence de son en fin d’acte, qui n’entrave pas la compréhension des arguments plaidés, ne sera pas non plus considéré comme un défaut substantiel. En revanche, si une fois l’audience terminée, aucun acte électronique ne peut être extrait des données enregistrées, la seule solution consiste à déclarer nulle l’audience et à la reproduire.
4°/ Avocats et magistrats interprètes de leur propre rôle
La nouvelle audience devra reproduire exactement ce qui a été vu et entendu lors de l’audience annulée ; ainsi, seuls les moyens et preuves présentés lors de la première audience seront admis lors de la seconde, ce qui oblige les parties, leurs avocats et les magistrats, à jouer, tels des acteurs, la représentation annulée qui n’a pu être enregistrée.
B. – Captation vidéo et équilibre incertain entre droit à l’information et droit à la protection de la vie privée.
Ce fragile équilibre sera ici analysé à travers les questions liées à l’accès, direct ou différé, à l’audience, puis à la diffusion des captations, qui peuvent porter atteinte à la vie privée des intervenants.
Le besoin de concilier les droits en conflit doit conduire à trouver des solutions de compromis.
1°/ Conflits liés à l’accès aux audiences
a) Droit d’accès au déroulement d’une audience
Il convient de différencier l’accès physique à une salle d’audience, ouvert de par la loi à tout public avec certaines limitations (capacité de la salle d’audience, maintien de l’ordre, etc.), de l’accès « différé et dématérialisé ».
L’accès « différé et dématérialisé » peut être « public ». Il se traduit alors par la remise d’une copie de l’acte d’audience signé électroniquement par le greffier aux parties, à leurs avocats, mais aussi à tout destinataire de la publicité garantie constitutionnellement, c’est-à-dire à toute personne qui en fait la demande. Cet accès différé « public » correspond à la reproduction de la version officielle par l’administration de la justice de l’acte d’audience(45). Mais l’accès différé à l’audience peut avoir son origine également dans la reproduction d’une captation « privée », c’est-à-dire, effectuée par des particuliers ou des professionnels admis physiquement en salle d’audience.
b) L’accès aux données personnelles dans le cadre d’une procédure judiciaire
En Espagne, le droit d’accès aux éléments d’un dossier judiciaire, en particulier à l’acte électronique d’une procédure, emporte l’accès des parties, mais aussi de tiers, aux données personnelles contenues dans cet acte.
L’accès des parties aux données personnelles contenues dans l’acte électronique
L’avis juridique n° 0342/2012, rendu par l’Agence espagnole de protection des données (ci-après AEPD), justifie la conformité du régime de copie des actes essentiels de la procédure avec l’accès aux données personnelles contenues. Il s’agissait d’une consultation qui opposait deux demandeurs, mineurs, qui refusaient de dévoiler leur identité à un défendeur qui exigeait d’avoir accès à leurs données personnelles en application du principe de publicité de toute affaire judiciaire. Selon l’AEPD, il existe des moyens légaux pour demander que soit appliqué le caractère « réservé » à une procédure afin que soient anonymisées certaines données.
En dehors de cette qualification restrictive, la publicité et l’accès aux données personnelles contenues constituent la règle générale applicable dans le cadre d’une procédure judiciaire.
L’accès des tiers aux données personnelles contenues dans l’acte électronique L’accès des tiers à des données personnelles contenues dans un acte électronique correspond à une exception légale prévue par
la loi de protection des données personnelles. En effet, l’article 3, i), de la loi n° 15/1999 de protection des données (ci-après LOPD), définit la communication de données personnelles comme « toute révélation de données faite à une personne différente de l’intéressé » ; l’article 11.1 de la même loi signale que « les données personnelles objet de traitements pourront être communiquées à un tiers pour des finalités en rapport direct avec les fonctions légitimes du cessionnaire et avec le consentement de l’intéressé », l’alinéa suivant spécifiant les exceptions, telle une loi qui prévoirait expressément cette communication (article 11.2 LOPD). Enfin, concernant cette exception légale, les articles 35 et 135 de la loi n° 30/1992 de procédure administrative encadrent le droit d’accès des intéressés à tout dossier judiciaire, fondé sur un principe général qui permet la communication des données aux intéressés. L’article 31 de la même loi n° 30/92 reconnaît ce droit d’accès « à tout intéressé » et « à tout moment », afin de vérifier la situation de la procédure, ainsi que la possibilité d’obtenir des copies des pièces contenues dans le dossier.
La communication de données personnelles dans le cadre d’un dossier judiciaire est donc légale entre les parties, sauf si la procédure a un caractère réservé, ainsi qu’en dehors de ce cercle grâce à l’exception légale qui prévoit la possibilité d’accès et la communication des dossiers judiciaires « à tout intéressé » en opérant une levée du secret protégeant l’intimité des personnes concernées.
Mais la diffusion de ces données pourrait être constitutive d’une infraction par usage illégal (pour des finalités non compatibles avec les finalités initiales de la collecte) des données communiquées. Ainsi, la loi protège le droit de connaître le fonctionnement de la justice et, par exemple, la façon dont se déroule un procès pour alcoolémie, mais empêche que le public associe une infraction à une personne, en postant sur internet la vidéo de l’audience à laquelle elle aurait été convoquée.
c) Conflits liés à la diffusion de la captation vidéo d’une audience
Rien n’empêche légalement la diffusion des contenus. Par analogie pourrait s’appliquer la décision de l’arrêt du Tribunal constitutionnel du 19 juillet 1989 par lequel « il n’y a pas de grief à l’intimité ou aux droits à l’image des intervenants dans une séance d’un Parlement régional, du fait d’être filmés par les caméras de télévision, et de l’ultérieure reproduction de cette séance du Parlement à la télévision », vu que cette séance était soumise à la publicité parlementaire(46).
Néanmoins et même si les audiences judiciaires sont également couvertes par ce devoir de publicité, cette analogie trouve notamment ses limites dans le fait que les parlementaires sont des « personnes publiques », contrairement à la plupart des citoyens comparaissant en audience judiciaire.
Mais en l’absence de texte et, pour le moment, de jurisprudence spécifique en la matière, rien n’empêche que soit enregistrée une audience publique par des moyens privés qui permettent de fixer l’image et le son et que soient ensuite divulgués ces contenus sur internet ou dans tout autre média.
Le droit d’accéder au fonctionnement de l’administration de la justice doit être protégé, y compris le droit d’accès aux données personnelles des justiciables en demandant des copies des audiences en tant que tiers, mais la diffusion des données communiquées dans le respect du principe de publicité peut se révéler plus difficile à concilier avec la protection du caractère personnel des données communiquées. Il faudrait donc trouver des moyens de concilier davantage les principes de publicité et ceux d’accès à l’information, avec le respect des droits de la personnalité(47).
d) Conciliation entre le principe de publicité des actes de procédure et la protection des droits de la personnalité
Le principe de la publicité des audiences judiciaires évolue avec l’incorporation des nouvelles technologies à la procédure, ce qui nous oblige à concilier les droits en conflit. Il s’agit d’une extraordinaire occasion pour moderniser la justice et pour améliorer la perception de son fonctionnement.
Le principe de publicité au XXIe siècle Pour le professeur Félix Valbuena González(48), le droit à la protection de la vie privée et plus spécifiquement le droit à la protection des données personnelles ne doivent pas représenter un obstacle à la diffusion d’une audience à des tiers, notamment à des fins didactiques, car la garantie d’un jugement public, à notre époque de développement technologique, ne peut être restreinte à l’assistance physique dans les salles d’audience.
En Espagne, les droits de la personnalité ne peuvent être opposés à l’enregistrement ou à la diffusion du contenu enregistré, dans la mesure où le devoir d’enregistrement et le droit à la copie sont établis sur le fondement constitutionnel de publicité qui inclut le droit d’accès aux actes électroniques, le droit d’obtention d’une copie et de diffusion des contenus.
Mais il faut reconnaître que les effets d’une diffusion dans un cercle restreint (par exemple devant des étudiants d’une école de formation d’un barreau) et sur internet sont radicalement différents. Le professeur Valbuena González, grand défenseur des nouvelles technologies comme outil d’apprentissage destiné aux futurs avocats, organise couramment, pour ses élèves de l’école de formation, des projections de différentes audiences et procédures judiciaires, n’étant lui-même ni partie ni tiers intéressé. Les supports électroniques lui sont communiqués gracieusement par des avocats de toute l’Espagne, sans soulever de problème juridique. Mais la publicité des actes de procédure peut avoir des finalités moins altruistes ; dès son origine, la publicité a été un instrument de la politique judiciaire destiné à rationaliser les litiges et à faire appliquer les lois(49).
Concilier la publicité et la diffusion avec l’honneur et l’intimité La communication des données est donc légale dans le cadre d’une procédure judiciaire ; nous ne pouvons pas opposer à la diffusion de ces données les droits dits « de la personnalité », mais l’équilibre entre le principe de la publicité et de l’information véridique
avec les droits de la personnalité reste encore une pierre d’achoppement en ce qui concerne la diffusion des données.
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La communication des données est légale dans le cadre d’une procédure judiciaire.
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Dans la pratique, les copies de l’acte électronique d’une audience sont remises aujourd’hui exclusivement aux représentants des parties (personnes autorisées), même si théoriquement rien n’empêche que tout citoyen puisse demander une copie en tant que tiers. La partie ou le tiers qui a eu accès à une copie de l’enregistrement peut diffuser son contenu sous sa propre responsabilité. Poster sur la Toile une vidéo du déroulement d’une affaire judiciaire est donc légalement possible. Mais il serait judicieux, pour concilier les différents droits en présence, d’effacer toute référence qui permette d’identifier une personne devant un Tribunal, en supprimant les noms de la bande-son et peut-être en floutant les visages(50).
La grande occasion Les enjeux sont donc considérables. Pour ne pas manquer cette opportunité historique qui s’ouvre de pouvoir systématiquement procéder à la captation vidéo des audiences, avec la création d’une nouvelle Cité judiciaire à Paris (le Palais de justice a commencé a être érigé au XIIIe siècle sur l’île de la Cité, c’est dire la rareté de l’événement !), il faudrait éviter de tomber dans l’un des deux extrêmes, consistant d’un côté à ancrer la mise en oeuvre du droit par les tribunaux de justice dans un grand mystère, dans l’obscurité et l’ostracisme, l’herméneutique et la fatalité, sous prétexte d’éviter les conflits avec d’autres droits, comme ceux qui protègent l’image, l’honneur, la vie privée de tout justiciable. D’un autre côté, il ne s’agit pas pour les justiciables d’être doublement condamnés, par leur passage devant les tribunaux (dont ils peuvent par ailleurs sortir blanchis), puis par la trace indélébile de ce passage laissé par une vidéo postée sur internet, visionnée par leurs enfants, leurs employeurs, au mépris d’un droit à l’oubli légitime.
Faire entrer les caméras dans les salles d’audience, permettre, sous certaines limites raisonnables, la diffusion de ces captations constituent de véritables garanties, dans un État de droit, pour améliorer la démocratie et la transparence de la justice, la connaissance de ses coûts et ses moyens, et offrir à tout justiciable une opportunité irremplaçable d’analyser les conséquences juridiques de chaque situation soumise à la Cour.
Améliorer la perception de la justice et l’adapter aux nouveaux enjeux technologiques-
Les Français ont une perception de l’application pratique de la loi par les tribunaux très contrastée. Lors du festival Film et Justice(51) à la Maison du barreau du 23 au 25 mai 2013, Michèle Bernard-Requin, excellent ancien magistrat, mais aussi formidable « actrice » principale du film de Raymond Depardon 10e Chambre : instants d’audience, nous rappelait que, lors de la projection de ce film à Versailles, les peines prononcées pour vol semblaient nettement insuffisantes au public présent dans la salle, et les peines prononcées pour violences conjugales, trop élevées ; en revanche, lors de la projection du même film à Aubervilliers, la perception du public était inverse : peines trop élevées pour le vol, et trop faibles pour les violences conjugales. Ces débats, que l’on épargne au justiciable faute d’information sur l’application du droit par les tribunaux, constituent pourtant des questions situées à la base de leur légitimité dans le monopole de l’administration de la justice publique.
En Espagne, personne n’est aujourd’hui surpris d’assister, dans les cités de la justice de Malaga ou Barcelone, à la communication automatisée, à toute personne autorisée, d’une copie d’audience sur cédérom signé électroniquement par le greffier. Les citoyens ont aujourd’hui un accès plus « direct » à la façon dont les tribunaux administrent la justice, à ses coûts et à ses moyens. L’audience on line, encouragée par l’OMPI dans son rapport du 30 avril 1999, est également une réalité aujourd’hui, et l’article 162 de la LEC n’est qu’une invitation générale à introduire dans la procédure de demain, tout nouveau moyen technologique qui permette un développement plus efficace de la procédure, au fur et à mesure de l’apparition de ces avancées technologiques.
L’heure est-elle venue en France de répondre aux objectifs de la loi « Badinter » votée dès 1985, qui lui-même exprimait sa déception quant à l’application qui en a été faite : « À mon grand regret, on a limité la portée de cette loi en procédant principalement à l’enregistrement des grands procès des criminels contre l’humanité, sans jamais filmer la justice quotidienne. Les archives audiovisuelles sont pourtant indispensables pour connaître la société d’une époque »(52) ? Le rapport Linden de 2005(53) propose des pistes intéressantes sur la question de l’enregistrement des audiences, qu’il conviendrait aujourd’hui d’examiner attentivement pour améliorer la connaissance du public du fonctionnement de la justice tout en veillant, citons à nouveau Robert Badinter, « au respect de la présomption d’innocence, de la protection de la vie privée et du droit à l’image » afin de ne pas tomber dans la « justice-spectacle ».
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(1) Loi de procédure civile (ley de enjuiciamiento civil, ci-après LEC) n° 1/2000, du 7 janvier 2000, entrée en vigueur le 7 janvier 2001.
(2) Loi n° 13/2009, du 3 novembre, en vigueur depuis le 5 mai 2010.
(3) Pour la CEDH, les audiences du matin sont retransmises à partir de 14 h 30 le jour même. <www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=hearings&c=fra#n13692118342773668755111_pointer>.
(4) Connue sous le nom de loi « Badinter ».
(5) L’interdiction de diffusion des archives pendant 20 ans contenue dans la loi « Badinter » a été supprimée en 2008. L’autorisation de diffusion des archives, totale ou partielle, dépend du président du Tribunal de grande instance de Paris. Après 50 ans, la reproduction et la diffusion sont entièrement libres.
(6) L’article 38 ter de la loi « sur la liberté de la presse », reformé par la loi du 6 décembre 1954, prévoit : « Dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit. »
(7) À titre d’exemple : l’article 308 du Code de procédure pénale, l’article 706-52 du Code pénal, pour l’enregistrement de l’audition des mineurs victimes des infractions de nature sexuelle les plus graves en cours d’enquête et d’instruction.
(8) Article 147 LEC pour la voie civile. Article 743 de la loi de procédure pénale (ci-après LEC) pour la voie pénale, « les audiences pénales doivent être enregistrées », article 63.3 de la loi de juridiction contentieuse administrative (ci-après LJCA), pour les audiences administratives ; et en matière sociale, article 89.1 de la loi de procédure dans la juridiction sociale (ci-après LPL) concernant l’enregistrement des audiences et article 236 LPL, sur les incidents en exécution de décision.
(9) Reconocimiento judicial ou preuve oculaire où le juge se déplace en dehors du siège de son Tribunal pour constater certains faits, procéder à une reconstitution de certains faits ou vérifier personnellement certains éléments d’un dossier.
(10) Article 359 LEC et article 236 LPL.
(11) Article 187 LEC.
(12) La technologie choisie uniformément dans tous les tribunaux en Espagne est fournie par Fujitsu ; le logiciel Arconte-Noj, système de gestion digital, a été installé partout en Espagne.
(13) Pour un focus sur la question de l’accès de caméras aux salles d’audience, voir infra titre II.
(14) Pour citer un exemple récent de restriction à l’audience publique, le 3 mai 2013 a eu lieu devant le Tribunal d’instruction n° 18 de Madrid, une audience de comparution immédiate conclue par un accord de CRCP contre Miguel Ángel Rodríguez (ex-secrétaire d’État du Gouvernement Aznar), pour conduite de véhicule à moteur en état d’ivresse. Le Tribunal n’a pas autorisé une audience publique (donc, l’entrée de journalistes dans la salle d’audience), car il avait interprété que cette phase de la procédure constituait une phase d’instruction, et non de jugement, et par conséquent ne devait pas être ouverte au public. D’autres cas plus clairs de jugements en chambre de conseil et sans « audience publique » sont ceux où l’on risque de nuire à la victime, au vu de sa situation spécialement vulnérable (par exemple, un mineur qui a subi des abus sexuels). Le principe de publicité des débats s’effacerait alors face au droit à l’intimité, mais la décision de statuer en chambre de conseil doit rester exceptionnelle et doit être justifiée par le magistrat.
(15) Sur le développement fulgurant depuis 2002 de la CRPC en Espagne, voir Ludeña O., Breves reflexiones sobre la « justicia penal negociada ». Críticas. (Brèves réflexions sur la justice pénale négociée : critiques), févr. 2008, <Noticias Juridicias>, <http://noticias.juridicas.com/articulos/65-Derecho%20Procesal%20Penal/200802-09090670056363.html>.
(16) Gómez Martínez C. (président de la Cour d’appel de Palma de Majorque), La grabación del sonido y la imagen en los juicios civiles. Del Juez lector al juez espectador (L’enregistrement de l’image et du son dans la procédure civile : du juge lecteur au juge spectateur), p. 86, Jueces para la Democracia : información y Debate (Juges pour la démocratie : information et débat), nov. 2003, n° 48, p. 86. L’auteur souligne dans cette étude qu’il y a des références à l’appel restreint
en Espagne dans les Partidas, texte juridique du XIIIe siècle, conclues en 1265, en citant Pedro Álvarez Sánchez de Monvellán, « l’appel restreint dans notre droit est ancré dans ses premières manifestations, et l’évolution de ce droit a été réaffirmé au fil des siècles », La Prueba en la Apelación en la Ley 1/2000 de Enjuiciamiento Civil (La preuve en appel dans la loi de procédure civile), Ed Colex, Madrid, p. 31. (Justice must not only be done but also seen to be done)(19).
(17) Articles 306, 347,2 et 372.2 LEC.
(18) Arrêt de la Cour constitutionnelle n° STC 96/1987, du 10 juin.
(19) Gasparon, Pour une nouvelle justice civile. La crise d’efficacité de la justice en Europe, Paris, 29 et 30 janv. 2003, Medel Éd., Annonce de la Seine Éditions, p. 63 et 67, cité par M. le président Carlos Gómez Martínez.
(20) Fondés sur l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ainsi que sur l’article 14.1 du Pacte international des droits civiques et politiques.
(21) L’article 268 LEC reconnaît trois cas de figure pour empêcher l’audience publique et recevoir la déclaration ou l’acte de procédure en chambre de conseil : 1. trouble à l’ordre public ou à la sécurité nationale ; 2. intérêts des mineurs ou protection de la vie privée des intervenants dans une procédure ; et 3. troubles à l’organisation de l’audience tels que mise en danger de secrets qui puissent porter un préjudice injustifié à une partie. Le secret de débats oblige les intervenants à ne rien communiquer à l’extérieur sur le contenu de l’acte établi ; en revanche, la décision ou l’arrêt n’est pas couvert par le secret, conformément aux rapports généraux du Comité des droits de l’Homme.
(22) Article 140 LEC.
(23) La notion d’« intéressé » est développée dans l’article 31 de la loi n° 30/1992, de procédure contentieuse administrative, commune à toute procédure administrative, en signalant que peuvent être considérés comme intéressés : a) les promoteurs d’une procédure en tant que titulaires des droits ou intérêts, individuels ou collectifs ; b) tous ceux qui, n’ayant pas été à l’origine de la procédure, peuvent justifier être titulaires de droits qui pourraient être affectés par la décision rendue dans l’affaire ; et enfin c) ceux qui sont titulaires d’intérêts légitimes qui pourraient se voir affectés par la décision rendue dans l’affaire, et qui choisissent de participer volontairement à la procédure avant qu’une décision ne soit rendue.
(24) Article 141 LEC.
(25) Articles 147 et 187 LEC.
(26) Gómez Martínez C., L’enregistrement de l’image et du son dans la procédure civile, Jueces para la Democracia : información y Debate (Juges pour la démocratie : information et débat), nov. 2003, n° 48, voir <www.juecesdemocracia.es/pdf/Audienciafilmada.pdf>.
(27) Article 20,2 LEC.
(28) Voir l’article 229,2 de la loi sur le pouvoir judiciaire (ci-après LOPJ) et l’article 137 LEC.
(29) Dans ce cas, l’entraide judiciaire consiste, pour un juge, à demander l’assistance d’un juge d’un autre ressort.
(30) Muñoz Machado S., El procedimiento on-line (La procédure on line), OMPI, 30 avr. 1999.
(31) Articles 433 et 444 LEC.
(32) Voir Cendejas M., Poder Judicial y derecho a la información en España. Aproximación al tema (Relations entre le pouvoir judiciaire et le droit à l’information en Espagne), publié dans l’édition mexicaine du site <noticias jurídicas>, <www.juridicas.unam.mx/publica/rev/decoin/cont/7/art/art3.htm>.
(33) Arrêts du Tribunal constitucional (Cour constitutionnelle) nos STC 30/1986, STC 96/1987 et STC 65/1992.
(34) Instruction émise par la Sala de Gobierno del Tribunal Supremo (équivalent de la Cour de cassation), le 25 septembre 1995, décision confirmée partiellement par le Consejo General del Poder Judicial (CGPJ) (Conseil général du pouvoir judiciaire) quelques mois après.
(35) Le Conseil général du pouvoir judiciaire est défini par l’article 122 de la Constitution espagnole comme l’organe de direction du pouvoir judiciaire en Espagne. Il veille à l’indépendance des juges face aux autres pouvoirs publics. Il est composé de 21 membres, dont le président du Tribunal Supremo (Cour de cassation espagnole), 10 membres choisis par les sénateurs et 10 par les députés.
(36) Arrêt de la troisième chambre du Tribunal Supremo, du 9 juillet 1999.
(37) Arrêt n° STC 57/2004 du 19 avril 2004.
(38) Le Tribunal se fonde, tout d’abord, sur les articles suivants de la Constitution espagnole : article 20.1.d., droit à l’information véridique ; article 24.2, droit à une procédure publique ; article 120.1, principe de publicité de la procédure ; article 9.2, devoir de l’État de faire participer les citoyens aux affaires publiques ; article 10.2, interprétation des droits humains conformément à la Déclaration universelle des droits de l’Homme et aux traités et conventions internationaux.
Ensuite, il statue sur le fait que le droit à l’information est intimement lié au principe de publicité de la procédure, l’exercice de ce dernier ne pouvant être limité aux personnes présentes dans la salle d’audience. Enfin, chaque Tribunal devra juger conformément aux principes de proportionnalité et de pondération, aux moyens pour permettre la publicité et l’information sans porter préjudice aux droits à l’image et à l’intimité garantis à l’article 18.1 LEC. Il en ressort que le Tribunal constitutionnel est bien conscient qu’un article écrit ou le dessin du profil d’un témoin sont moins intrusifs que la vidéo ou la photo, mais il n’écarte pas les moyens audiovisuels du principe de publicité, en exigeant des tribunaux de justifier la limite posée au droit d’enregistrement et de diffusion de l’image ou du son d’une audience.
(39) Approuvé le 30 juin 2004, et ratifié par l’assemblée plénière du même organisme le 7 juillet 2004 : l’organisation et le contrôle de l’accès de moyens audiovisuels aux salles d’audience seront gérés par les départements de communication des tribunaux, en coordination avec leurs présidents. Ce protocole établit les spécificités à prendre en compte pour garantir le droit à l’information sur les procédures judiciaires et les droits des intervenants. Le CGPJ se fait l’écho de la Convention d’autorégulation de procédures par télévision signée avec le Conseil de l’audiovisuel de la Catalogne en 1998 et 2000, accord auquel la Fédération des associations de presse d’Espagne (Fape) a adhéré.
(40) El Pais se fait l’écho du projet de réforme du Code de procédure pénale, et de la possibilité de décharger les juges d’instruction de leurs facultés de mener les enquêtes, qui seront assurées exclusivement par les procureurs, laissant également au parquet la possibilité de décider, au cas par cas, l’interdiction faite aux journalistes de publier leurs articles sur certaines affaires, ce qui a été qualifié par ce collectif de regrettable « retour de la censure ». Publicar sobre el caso Gürtel con permiso de su señoría (Publication sur l’affaire Gürtel avec l’autorisation de M. le président) publié le 29 mai 2013 : <http://sociedad.elpais.com/sociedad/2013/05/29/actualidad/1369861344_807645.html>.
(41) Dans le journal El Diario, du 18 octobre 2012, ont été rassemblées les opinions des trois principales associations de magistrats espagnols autour d’un sujet : doit-ont interdire l’enregistrement et la diffusion des images des agents de police lors d’une manifestation ? Voir <www.eldiario.es/politica/policia-imagenes-manifestaciones_0_59494526.html>. Pour l’APM, Association professionnelle des magistrats, conservatrice et majoritaire en Espagne, le conflit entre le droit à l’information et le droit à la protection de la propre image pourrait être évité avec une loi interdisant l’enregistrement des agents de police dans la rue. En revanche, pour l’association JPD, Juges pour la démocratie, une limitation au droit d’information et de publicité serait inconstitutionnelle. Cette même association souligne que la question aurait déjà été tranchée par le Tribunal constitutionnel. Dans une ligne très proche, l’AJFV, Association judiciaire Francisco de Vitoria, soulève les dangers de limiter le devoir de publicité et le droit à l’information sous prétexte de la protection du droit à l’image des agents de police ; en effet, pour Joaquim Bosch (JPD) aucune loi ne devrait interdire la diffusion de la vidéo d’un agent de police accusé d’excès dans l’exercice de ses fonctions, et pour José Luis González (AJFV) on doit encourager l’utilisation de tout support qui permette de fixer l’image et le son, spécialement afin de contrôler d’éventuels agissements irréguliers d’un agent de police.
(42) Une synthèse des différentes décisions d’appel a été effectuée par la Cour de cassation dans ses arrêts STS 1re salle n° 493/13, du 26 juillet 2009, STS n° 1591, 2005 du 22 décembre 2009, et STS n° 54, 2010 du 20 février 2012, dont il ressort que : a) il n’y a pas de nullité générale, mais une analyse détaillée au cas par cas ; b) la nullité de l’enregistrement
ne touche pas les pièces écrites et, par conséquent, si le verdict peut se fonder sur les seules pièces écrites apportées, la présence de support d’enregistrement de l’audience ne sera pas nécessaire ; et c) la feuille d’audience manuscrite et détaillée du greffe peut se substituer à l’acte électronique en cas de défaillance de ce dernier.
(43) Le professeur Paloma García-Lubén Barthe résume cette conclusion, in Problemas que plantean los defectos de grabación de la vista en los juicios civiles (Problèmes posés par les défauts d’enregistrement d’audience des procédures civiles), paru à l’occasion des colloques organisés par l’Association internationale de droit de la procédure de l’université de Valence en novembre 2008. Pour l’intégralité des communications : <www.uv.es/coloquio/coloquio/Informycomu.htm>.
(44) Federic Adán Doménech est professeur agrégé de droit de la procédure de l’université Rovira i Virgili ; voir Problemátia judicial de la documentación de las actuaciones procesales orales (Problématique judiciaire des actes de procédure civile), en citant Rovira O., Cuando falla la grabación de las vistas (Quand l’enregistrement des audiences ne fonctionne pas), Iuris, novembre 2006, p. 32.
(45) La LEC prévoit aux articles 147 et 187 que les parties et leurs représentants ont un droit « actif » d’accès au dossier. Nous avons déjà souligné que, malgré la rédaction restrictive de l’article 147 LEC, le principe constitutionnel de publicité devrait permettre l’accès « passif » à l’acte électronique de tout intéressé sur simple demande, toute personne étant destinataire de la publicité garantie constitutionnellement.
(46) Sur la publicité parlementaire voir De Vega García P., El principio de publicidad parlamentaria y su proyección constitucional (Le príncipe de publicité parlementaire et sa projection constitutionnelle) : <http://dialnet.unirioja.es/servlet/articulo?codigo=26821&orden=0&info=link>.
(47) Nous parlons ici de ces vidéos sur YouTube de l’ex-mari qui poste « sa » copie de l’audience du divorce et qui met de lamentables soustitres du genre « menteuse », « elle venait de dire le contraire », etc.
(48) M. Félix Valbuena Rodríguez est professeur de droit de la procédure à l’université de Burgos, magistrat suppléant, et professeur de l’école de formation du barreau de Burgos. Il est l’auteur entre autres de Las grabaciones de los juicios como herramienta metodológica para el aprendizaje del Derecho Procesal (L’enregistrement des audiences comme outil méthodologique pour l’apprentissage du droit de la procédure) exposé et publié lors des IIes journées sur l’enseignement du droit et des technologies de l’information et de la communication.
(49) La question de la publicité des audiences a été traitée pour toute l’Amérique, dans une étude de Carlos Gregorio de Gràcia, chercheur de l’Institut de recherche de la justice en Argentine, Publicación digital de documentos judiciale (Publication digitale de pièces judiciaires) : <www.iijusticia.org/docs/GREGORIO.pdf>.
(50) En particulier lorsqu’il ne s’agit pas d’un « personnage public ».
(51) Organisé par notre confrère et membre du Conseil de l’ordre Emmanuel Pierrat entre autres.
(52) Extrait du dossier « Filmer la justice », TéleObs du 24 avril 2010, cité sur le site du ministère de la Justice : <www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/la-justice-dans-lhistoire-10288/il-y-a-25-ans-le-premier-proces-filme-24073.html>.
(53) Rapport de la Commission sur l’enregistrement et la diffusion des débats judiciaires remis à M. Dominique Perben, alors garde de Sceaux, par Mme Élisabeth Linden, première présidente de la Cour d’appel d’Angers, publié par le ministère de la Justice le 22 février 2005 : <www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000143/0000.pdf>.
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